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Véyatif

Véyatif

Fédération Santé et Action Sociale (FSAS-CGTG). " Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ". Bertolt BRECHT


Lettre aux responsables politiques Guadeloupéens

Publié par BELAIR Philippe sur 2 Mai 2016, 15:12pm

Lettre aux responsables politiques Guadeloupéens

Basse-Terre, le 29 Mars 2016

Objet : La situation sanitaire et sociale en Guadeloupe.

Monsieur le Préfet de Région,

Monsieur le Directeur de l'A.R.S.,

Monsieur le Président de Région,

Madame la Présidente du Conseil Départemental,

Mesdames et Messieurs les Maires,

Notre organisation syndicale souhaite, par la présente, vous interpeller sur la situation sanitaire et sociale de la Guadeloupe, en tout cas selon notre analyse. Nous faisons un diagnostic sévère au vu du traitement politique de ces problématiques et nous sommes très interrogatifs sur la notion de "dialogue social" qui est souvent mis en avant, tout comme sur la notion de "démocratie sanitaire" dans les Hôpitaux, quant on sait que les professionnels sont souvent impuissants et épuisés et les patients, livrés presque à eux mêmes.

Nous venons à vous, ici tout comme nous avons interpellé Madame la Ministre de la santé et des affaires sociales lors de son dernier passage en Guadeloupe, pour souligner ce qui nous interpelle et les porter à votre attention, en organisation syndicale représentative et responsable.

  • Sur la reconstruction d'un nouveau C.H.U. :

Si nous saluons la décision de l’État, enfin, de financer cette construction. Nous trouvons détestable ce climat délétère, récurent et comme entretenu, sur le déficit de cet établissement. Nous ne vous ferons pas secret de notre avis sur la question de l'endettement qui, selon nous, est coresponsable de cette situation, avec la mise en place de la tarification à l'acte. Ces deux "armes fatales" sont en train de tuer le service public mais on accuse les moyens et les professionnels d'être trop coûteux. Nous nous interrogeons, en conséquence de quoi, sur qui a intérêt à mettre sous les feux médiatiques, ce déficit ? Serait-il le bâton si nous voulons la carotte ? Vous comprendrez que ce jeu pour imposer des conditions ne nous semble pas la bonne méthode. Le mercredi 17 Février dernier, les infirmiers du bloc opératoire ont manifesté leur mécontentement, en débrayant, pour cause de ... manque de matériel. Nous avons du mal à cerner ce qui relève de l'essentiel dans les jeux de pouvoirs.

  • Sur la mise en place des G.H.T. :

Lors de notre Conseil Fédéral du 05 Février dernier à Saint-Claude, nous avons pris plusieurs résolutions dont celle-ci : " Sur l'application de la loi santé en Guadeloupe, et singulièrement la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire, qui n’est en rien un progrès pour la santé publique mais s'appliquant de fait à la GUADELOUPE, la FSAS-CGTG sera vigilante à ce que la vision de l’Etat représenté par l'ARS et de certaines organisations complices ne devienne réalité. La FSAS-CGTG rappelle que la Guadeloupe a trois territoires de santé, il ne peut être installé un seul et unique GHT à seule fin de mutualiser le déficit du CHU. Il faut trois GHT et trouver d'autres pistes de travail pour alléger les charges d'exploitation du CHU sans prendre le risque d'"aspirer" les autres établissements dans la tourment budgétaire comme c'est le cas après la création du CHU de Martinique". Nous pressentions une volonté de mettre en place un seul G.H.T. autour du C.H.U., alors que la Guadeloupe a deux territoires de santé sans compter celui des îles du nord. Notre organisation syndicale, selon le principe de précaution et selon le bon sens humain qui veut que l'on "ne mette pas ses œufs dans un seul et unique panier", décline l'offre d'un seul GHT.

Dans notre positionnement sur la question de la Direction commune entre les deux hôpitaux de la Côte-sous-le-vent, nous argumentons du fait que cette zone était considérée comme la zone de repli la plus sécure, selon les sismologues. Une partie de cette zone fait partie du territoire de santé "sud-Basse-Terre" (Centre Hospitalier Maurice Selbone, Bouillante), l'autre fait partie du territoire de santé "centre" (Centre Hospitalier Louis Daniel Beauperthuy, Pointe-Noire). Cet argument tient toujours quant au GHT, d'autant qu'il est corroboré par un rapport du BRGM (2012) qui projette les conséquences des changements climatiques en Guadeloupe, certes à l'horizon 2100, mais nous devons investir en pensant aux générations à venir. Ce rapport donne pour zone quasi-inondée, le centre de la Guadeloupe et comme zone en insuffisance hydrique, celle correspondant au territoire centre et une partie du territoire sud-Basse-Terre. La côte-sous-le-vent demeure, à nouveau, une zone stable.

Le territoire sud-Basse-Terre est animé par quatre hôpitaux, dont un en psychiatrie, un "généraliste", un faisant de la rééducation fonctionnelle et un autre faisant de la gérontologie. Le territoire centre est animé par trois hôpitaux dont le C.H.U., un spécialisé en gériatrie et un autre (en zone sécure) faisant de la gérontologie et du postcure. Il est tentant, au nom de la mutualisation, de vouloir tout rassembler autour d'un seul hôpital-pivot que serait le C.H.U., mais c'est un point de vue technocratique et comptable qui fait fi des réalités géographiques et humaines.

On peut nous rétorquer le droit du patient à un "parcours de soins", auquel nous répondons que s'il lui faut partir à la Martinique ou dans l'hexagone pour une discipline n'existant pas en Guadeloupe, cette question ne se pose plus. A l'heure des nouvelles technologies, tout est possible si il y a harmonisation et connexion des outils. Quand à l'accusation de "séparatisme", voire "micro-régionalisme", nous la mettons sur le compte de l'agacement de ceux qui ne supportent pas la contradiction. Nous voulons seulement que l'on tienne compte des dimensions sismologique, climatique, géographique et archipélagique de la Guadeloupe... Sommes toutes, de la population Guadeloupéenne.

Rien ne peut être pensé comme en Ile-de-France, ce n'est pas de la spécificité, encore moins une vue de notre esprit, mais la réalité. Les modifications climatiques à venir auront des conséquences sur le territoire mais aussi, et certainement, sociale et sanitaire. Il faut, d'ors et déjà, se préparer dans un dispositif plus équilibré sur le territoire que centré sur un seul hôpital, fusse-t-il un C.H.U., afin d'y répondre efficacement. Demain appartient à nos enfants, pas aux extra-terrestres.

  • Sur le statut du Centre Hospitalier Gérontologique :

Notre organisation s'est battu pour avoir une structure moderne et viable dans l'intérêt de nos aînés, si ce n'est peut-être pour nous même demain. Car nous pensons qu'il faille développer une véritable filière gériatrique autonome (hors GHT : Dérogation possible selon l'article Art. L. 6132-1. – I).

Dans une motion adressée au Conseil de surveillance de cet établissement, nous affirmions : " En effet, si l'urgence est dans l'élaboration de la convention constitutive du G.H.T. du territoire centre. S'il est évident que le C.H.U. soit l'établissement référent dans ce G.H.T., il n'est pas question que tant d'année de combats pour constituer une vraie filière de gériatrie en Guadeloupe autour du C.H.G.R. soit laminés, prenant le risque de préparer un phagocytage de notre établissement en acceptant une Direction commune. Non que nous acceptions le G.H.T., qui est en lui-même un moyen sournois de fusion si nous ne sommes pas vigilants. Mais en élaborant la convention constitutive, il revient à toute la communauté hospitalière du C.H.G.R. d'être attentifs sur la création des G.C.S. et les orientations de la C.M.E. commune. Aussi, chaque établissement doit garder son autonomie et son identité »....

La FSAS-CGTG interpelle le Conseil Départemental sur le fait, qu'historiquement, il est le premier dépositaire de ce projet en Guadeloupe. Ce projet vient de loin et tombe à propos quant on sait que dans une quarantaine d'année, nous aurons à faire face à une forte proportion de la population concernée par le vieillissement et ses pathologies annexes. La FSAS-CGTG interpelle l'ARS sur la nécessité que la gériatrie soit considérée, au même titre que la psychiatrie et quelquefois en collaboration avec celle-ci, comme une vrai filière de santé à ne pas disperser dans la masse des autres prises en charge médicales. L'expérience a démontré que les pathologies annexes au vieillissement ne peuvent être traitées ni au C.H.U., encore moins dans les divers EHPAD qui s'installent en Guadeloupe .

Considérant l'expérience de terrain (fusion de l'hôpital du camp Jacob et de l'hôpital Saint-Hyacinthe qui n'a pas abouti au C.H.B.T. promis) et le rapport de l'IGAS (2012) sur les fusions et les autres expériences de Direction commune - conduisant à une fusion, nous avons une sainte méfiance des projets "méga-polaires". Or, nous apprenons qu'un document conventionnel serait en cours de signature entre le Conseil Départemental et l'A.R.S. donnant lieu à une Direction commune.

Mais de surcroît, cette filière gériatrique et gérontologique s'impose, tout comme la psychiatrie, comme filière autonome sur le territoire au vu des problématiques à venir (vieillissement de la population), de la réorganisation des structures à domiciles (SPASAD), de l'existence d'un nombre d'EHPAD conséquent, de la répartition géographique des structures de prise en charge et bien-sûr du transfèrement du Centre Hospitalier Gérontologique du Raizet. Une structure neuve et innovante qui sied à la demande de nos aînés grâce au combat, notamment, de la FSAS-CGTG et qui doit devenir l'hôpital-pivot de la gériatrie en Guadeloupe.

  • Sur le TEP-SCAN et le cyclotron :

Monsieur le Président de la République s'est engagé en tranchant pour un mini-cyclotron sur la Martinique et un autre sur la Guadeloupe. Cette décision est la conséquence des initiateurs du projet Guadeloupéen sur des arguments éprouvés et avec l'engagement de la collectivité majeure. Ce projet semble avoir été très bien ficelé en peu de temps mais semble, aussi, souffrir de l'offensive de lobbies divers pour le tuer dans l'œuf ou le réorienter vers qui ou quoi ? Notre organisation dénonce et condamne fermement ce type comportement inepte et inhumain, elle seras encore aux côtés de ceux qui ont initié ce projet, non pas par collaboration irréfléchie mais parce que cette cause mérite un minimum de consensus social.

  • Sur la réorganisation de la psychiatrie en Guadeloupe :

La FSAS-CGTG réaffirme que La psychiatrie Guadeloupéenne doit être au service de la santé mentale des Guadeloupéens. Cela passe par un vrai projet territorial de santé mentale qui tienne compte de :

  • La réalité socioculturelle pour l'approche thérapeutique.
  • La réalité sociale, se projetant sur le vieillissement de la population, y compris celle touchée par les pathologies mentales, ce qui sous-tend une gérontopsychiatrie à la hauteur et un lien avec la filière gériatrique.
  • La réalité géographique en cas de redéfinition sectorielle et de révision des lieux de prises en charge dans la cité (hôpitaux de jour, centre médico-psychologique...).
  • La réalité professionnelle (Ressource Humaine) pour la prise en compte des orientations de prise en charge, tant qualitative que quantitative.
  • La réalité humaine quant à la méthodologie de gestion des agents sur tout le territoire, écartant le "management" véritable antithèse de toute organisation fondée sur l'humanisme.
  • La réalité novatrice permettant aux femmes et aux hommes du terrain d'être réactifs aux besoins pour dignement accompagner les patients.
  • La réalité d'un vrai réseau entre le sanitaire et le médico-social pour assurer un suivi permanent des problématiques.
  • La réalité comptable (et non la logique comptable) qui exige que les moyens soient donnés pour assurer une vraie prise en charge.

En somme, notre organisation syndicale se prononce pour un grand service public de psychiatrie organisé en filière autonome (hors G.H.T., Dérogation possible selon l'article Art. L. 6132-1. – I) sur toute la Guadeloupe et avec pour hôpital-pivot, le Centre Hospitalier de Monteran. Ce projet doit être soutenu par un financement assuré et non par la V.A.P. (Valorisation de l'Activité en Psychiatrie - Tarification à l'activité de la Psychiatrie).

  • Sur la situation de la branche sociale et médico-sociale :

Nous nous inquiétons de la volonté affichée des employeurs de dénoncer la convention collective 66. Nous avons fêter, le 15 Mars dernier, les 50 années de cette convention qui, tout en évoluant, reste une référence de négociation collective de branche. Qui plus est, la loi dite "travail", si elle est adoptée, vas instituer de facto une précarité des travailleurs, en général, et des travailleurs sociaux en particulier.

Nous mettons en exergue le fait que le financement des accords d'entreprise est conditionné à la volonté des financeurs alors qu'il leur est opposable. Aucune négociation d'entreprise ou de branche, quoique obligatoires, ne débouchent sur des avancées probantes pour les salariés, déconstruisant le principe même de la négociation.

Nous voulons attirer votre attention sur la décision de la cour Européenne de justice (Avril 2015) qui ne reconnaît pas le statut de "travailleurs handicapés" dans les ESAT, ce qui aura des conséquences incalculables sur ces structures. Si nous ne pouvons que nous féliciter de la reconnaissance humaniste de ces citoyens, en tant que travailleurs tout court, nous nous interrogeons sur toute la réorganisation de ces structures et ses conséquences humaines, le jour où il faudra transposer cette décision dans la législation.

Nous souhaitons vous informer sur la situation des professionnels de C.R.H.S qui restent les seuls à ne pas bénéficier des 20 % de vie chère, alors que leurs activités est l'une des plus dures du social. Vous n'êtes pas sans connaître les "singularités" guadeloupéennes des problématiques relevant des C.H.R.S.

De même, les salariés travaillant dans les services à la personne sont difficilement rémunérés pour cause d'un coût de l'heure, fixé par l'ONDAM, qui ne correspond en rien au coût local. Or, comme nous l'avons dit plus haut, ces travailleuses à domicile ont un rôle important à jouer dans la filière gériatrique et gérontologique à construire.

En précarisant les professionnels du social, on assassine le social. Et le social en Guadeloupe a de ça en lui qu'il émerge d'une réalité bordée par la mer. Les problématiques sont multipliées par cette réalité contrainte.

Tout comme la "mutualisation", la "modernisation" nous est avancée pour détricoter des conquis. Nous vous rappelons que le social et le médico-social génèrent des métiers difficiles à seule fin de palier à la précarité sociale, psychique et autres générés, souvent, par des choix politiques. Quant au coût, ce mot magique qui ne semble concerner que les plus faibles, il est antinomique au projet Républicain dont nous nous revendiquons lorsqu'il faut appeler à l'unité face à la terreur imposée par des fanatiques.

En résumé,

Mesdames et Messieurs, nous souhaitons que vous ayez une idée claire de la situation en vous apportant une version, certainement discordante de celle que vous avez, du fait sanitaire et social guadeloupéen. Nous voulons que vous sachiez que des femmes et des hommes s'engagent, quotidiennement, sur le terrain et ont plus qu'une "expertise" mais une maîtrise de ce terrain. Ils y travaillent, y vivent et espèrent laisser à leurs enfants un pays digne.

En conséquence de quoi, il est nécessaire d'avoir une cohérence aujourd'hui pour garantir une cohésion demain. Nous pensons qu'il est préférable de reporter de quelques mois l'application de la loi santé, singulièrement des GHT, pour qu'elle coïncide avec un nouveau plan régional de santé d'autant que celui en cours, court jusqu'à 2017. A moins d'abolir ce dernier, de suite, et de commencer à travailler sur un nouveau plan, tenant compte des nouvelles donnes réglementaires. D'autant que les conseils locaux de santé, correspondant quasiment aux communautés de communes, sont en train d'être installés. Pourquoi créer des contenants de manière éparse puis chercher à y mettre du contenu par la force et dans l'urgence ? Pourquoi ne pas entendre la raison du fait archipélagique de la Guadeloupe ?

Aussi, faut-il répondre aux problématiques sociales par la prévention et l'investissement social. Notre organisation syndicale se positionne pour une politique sociale et sanitaire cohérente qui tienne compte de notre réalité diverse et de l'évolution des problématiques. Nous avons voulu vous faire part de notre analyse en espérant être entendus dans l'intérêt de la Guadeloupe.

Nous vous assurons, Mesdames et Messieurs à vos grades et qualités, de nos respectueuses salutations.

Le secrétaire général,

BELAIR Philippe

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