Sur le papier, l'entretien annuel d'évaluation est une idée formidable ! Dans tous mes postes de managers, je disais à l’ensemble de mes collaborateurs que c'était un des seuls moments de l’année où ils pouvaient, et devaient, tout dire afin de faire que l’évolution sur l’année suivante soit positive. Seulement, dans la réalité, c'est un échec. Il est grand temps de supprimer cet entretien. Je vous explique pourquoi.
1. Il est souvent mal fait
Dans combien de cas cet entretien se limite-t-il à collecter les besoins en formation ? Et encore, dans un grand nombre de sociétés, plus de 25 % des salariés n’ont pas d’entretien annuel. Même si l'entretien annuel n'est pas obligatoire, une étude de la Dares datant de 2015 démontre que les salariés qui ne bénéficient pas d'un entretien annuel avec leur supérieur hiérarchique sont plus en proie aux risques psychosociaux que les autres salariés.
Un outil censé apaiser les relations en entreprise devrait concerner l’ensemble des collaborateurs et non pas dépendre du bon vouloir d’un manager, ce qui est malheureusement souvent le cas.
2. Il génère de la frustration chez les collaborateurs
Quand bien même l’entretien annuel est réalisé correctement, la problématique, c’est le suivi. Trop souvent, passé ce moment avec son manager, qui a le sentiment d’avoir bien fait son travail, aucune suite tangible n’est donnée, aucun suivi. Il faut attendre l’année suivante pour se rappeler de ce qui avait été dit.
L’entretien annuel se limite trop souvent à une collecte de besoins en formation, mais sur les questions de bien-être au travail, de remise en cause du management si besoin, rien n’est mis en place par les DRH pour synthétiser et utiliser l’information collectée.
Par ailleurs, trop souvent, l’entretien se déroulant très vite, voire pas, les collaborateurs prennent cela à titre personnel. « Si mon boss n’est pas fichu de me consacrer 2 heures par an pour parler de MOI, c’est vraiment que je ne sers à rien dans cette boite ».
3. Le processus d'auto-évaluation est illogique
L’entretien annuel ne permet en aucun cas d’évaluer la qualité du management. En effet, l’entretien annuel est mené par le N+1. Ainsi, un manager va auto-évaluer avec son propre N+1 ses qualités de manager.
Ses propres collaborateurs n’ont aucun moyen formel de faire remonter des informations. Cela me fait penser aux dictées auto-évaluées dans le primaire. Vous avez remarqué, dans ce type d’exercice, nous sommes souvent brillants !
4. Il ne permet pas de mesurer la qualité de vie des employés
Les demandes des salariés sont nombreuses, mais, surtout, très diverses. Faire une synthèse exploitable des entretiens annuels est ce que l’on peut appeler une mission impossible. Quelle DRH lit l’ensemble des entretiens annuels ?
Un entretien annuel doit durer, en théorie, s’il est bien fait, a minima 2 heures. 2 heures d’une discussion, certes cadrée, mais à bâtons rompus. Il est quasiment impossible pour la hiérarchie d’évaluer la qualité de vie des collaborateurs alors même que l’objectif revendiqué de ces entretiens est également celui-là !
5. Il ne donne pas assez la parole aux collaborateurs
Vous avez remarqué, les entretiens annuels sont focalisés sur les performances du collaborateur. C’est important, je n’en disconviens pas. Cependant, il serait intéressant de connaître son opinion sur les objectifs de l’entreprise, sur les qualités de manager de son N+1, de savoir s’il se sent bien dans l’entreprise.
L’entretien est uniquement accès sur la performance individuelle, sur l’évaluation, sur les besoins en formation, comme si la responsabilité de l’année passée ne reposait que sur les épaules de ce collaborateur. Or, ce dernier a un regard sur la globalité et il me semble fondamental d’y prêter attention.
Gaël Chatelain est consultant en management/organisation
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Commentaires de la FSAS-CGTG :
Il est intéressant de voir, ici, que même les managers sont contraints de constater l'échec de certaines de leurs méthodes. La mise en place de cette fameuse évaluation, au sein des Hôpitaux et du social, peine à porter les fruits espérés de par le fait que les principaux acteurs ne sont ni écoutés ni entendus, comme le reconnait l'auteur. La FSAS-CGTG souligne volontairement les termes "collaborateur" et "Manager". Il s'agit de pointer un point sémantique qui révèle l'affrontement idéologique entre deux conceptions de la société : La sociale qui emploie les notions de travailleur et cadre et la néolibérale qui prétend rapprocher (collaborer) et réinventer le fil à couper le beurre (manager). La prétention réelle du néolibéralisme est de déconstruire toutes les références sociales antérieures et placer l'individualisme au centre de l'organisation pour mieux manipuler et contrôler le collectif.