Basse-Terre, le 15 Avril 2017
A
Mesdames et Messieurs les candidats
à la Présidence de la République
Objet : La situation sanitaire et sociale de la Guadeloupe
Madame, Monsieur,
Nous venons à vous, ici, pour souligner ce qui nous interpelle et les porter à votre attention, en organisation syndicale représentative et responsable, à seule fin que vous ayez bien en tête la situation critique de la santé et de l'action sociale en Guadeloupe.
Nous soumettons à votre réflexion, un certain nombre de thématiques que nous avons déjà soumis au Gouvernement sortant (Mme la Ministre, Marisol TOURAINE, Juillet 2014 et Février 2016). Si nous sommes loin de croire détenir la science infuse, voire la raison absolue, nous croyons devoir jeter dans le débat électoral, en cours, cette situation qui pourrait déboucher sur une impasse, ce encore plus que dans l'hexagone, si aucune politique responsable et humaine n'est décidée.
Vous prétendez, chacune et chacun, à la magistrature suprême de la République. Vous affirmez être pour le progrès social et humain, contre l'injustice systémique et pour faire table rase de ce qui a échoué : le néolibéralisme économique. Si vous arrivez à vos fins, nous osons penser que notre contribution retiendra votre attention afin de donner des réponses adaptées aux problématiques qui suivent.
Vous connaissez la vie chère (encore plus depuis l'arrivée de l'Euro), la "profitation", l'économie de plantation, la violence, le chômage endémique et d'autres sujets surmédiatisés comme pour mettre à l'index notre société insulaire mais nous vous convions à disséquer le pourquoi de toutes ces problématiques qui ne sont pas qu'insulaires mais bien la conséquence directe de choix politiques absurdes et sous tendues par des postures colonialistes au service du capitalisme sauvage.
1. La situation sanitaire :
- Sur la reconstruction d'un nouveau C.H.U. :
Si nous saluons la décision de l'Etat, enfin, de financer cette construction. Nous trouvons détestable ce climat délétère, récurent et comme entretenu, sur le déficit de cet établissement. Nous ne vous ferons pas secret de notre avis sur la question de l'endettement qui, selon nous, est coresponsable de cette situation, avec la mise en place de la tarification à l'acte et, depuis 1973, la loi imposant à l'Etat de s'endetter auprès de Banques privées. Ces deux "armes fatales" sont en train de tuer le service public mais on accuse les moyens et les professionnels d'être trop couteux. Nous nous interrogeons, en conséquence de quoi, sur qui a intérêt à mettre sous les feux médiatiques, ce déficit ? Serait-il le bâton si nous voulons la carotte ? Vous comprendrez que ce jeu pour imposer des conditions ne nous semble pas la bonne méthode. Nous attirons, tout de même, votre attention sur un "projet" sorti de nul-part, émanant d'un certain Professeur Sainte-Rose, prévoyant la création d'un C.H.U. interrégional (Guadeloupe-Martinique-Guyane) que nous déclinons car nous récusons les usines médicales.
- Sur la mise en place des G.H.T. :
Lors de notre Conseil Fédéral du 05 Février 2016, nous avons pris plusieurs résolutions dont celle-ci : " Sur l'application de la loi santé en Guadeloupe, et singulièrement la mise en place des Groupements Hospitaliers de Territoire, qui n’est en rien un progrès pour la santé publique mais s'appliquant de fait à la GUADELOUPE, la FSAS-CGTG sera vigilante à ce que la vision de l’Etat représenté par l'ARS et de certaines organisations complices ne devienne réalité. La FSAS-CGTG rappelle que la Guadeloupe a trois territoires de santé, il ne peut être installé un seul et unique GHT à seule fin de mutualiser le déficit du CHU. Il faut trois GHT et trouver d'autres pistes de travail pour alléger les charges d'exploitation du CHU sans prendre le risque d'"aspirer" les autres établissements dans la tourment budgétaire comme c'est le cas après la création du CHU de Martinique". Nous pressentions une volonté de mettre en place un seul G.H.T. autour du C.H.U., or la Guadeloupe a deux territoires de santé sans compter celui des iles du nord. Notre organisation syndicale, sur le principe de précaution et selon le bon sens humain qui veut que l'on "ne mette pas ses œufs dans un seul et unique panier", déclinait l'offre d'un seul GHT. A vrai dire, ce positionnement est une cote mal taillée, espérant un demain meilleur par l'action de terrain. Nous pensons, quand au fond, que l'abrogation de la loi dite "sante" est un impératif qui doit être suivi d'une politique d'investissement publique offensive.
Dans notre positionnement sur la question de la Direction commune pour les deux hôpitaux de la Côte-sous-le-vent (2014), nous argumentions du fait que cette zone est considérée comme la zone de repli la plus sécurisée, selon les sismologues. Cette zone fait partie du territoire de santé "sud-Basse-Terre" (Centre Hospitalier Maurice Selbone, Bouillante et Centre Hospitalier Louis Daniel Beauperthuy, Pointe-Noire). Cet argument tient toujours quant au GHT, d'autant qu'il est corroboré par un rapport du BRGM (2012) qui projette les conséquences des changements climatiques en Guadeloupe, certes à l'horizon 2100, mais nous devons investir en pensant aux générations à venir ( Les larmes de M. FABIUS à la COP 21 étaient-elles de crocodiles ?). Ce rapport donne pour zone quasi-inondée, le centre de la Guadeloupe et comme zone en insuffisance hydrique, celle correspondant au territoire centre et une partie du territoire sud-Basse-Terre. La côte-sous-le-vent demeure, à nouveau, une zone stable.
Le territoire sud-Basse-Terre est animé par quatre hôpitaux, dont un en psychiatrie, un "généraliste", un faisant de la rééducation fonctionnelle et un autre faisant de la gérontologie. Le territoire centre est animé par trois hôpitaux dont le C.H.U., un spécialisé en gériatrie et un autre (en zone sécurisée) faisant de la gérontologie et du postcure. Il est tentant, au nom de la mutualisation, de vouloir tout rassembler autour d'un seul hôpital-pivot que serait le C.H.U., mais c'est un point de vue technocratique et comptable qui fait fi des réalités géographiques et humaines.
On peut nous rétorquer le droit du patient à un "parcours de soins", auquel nous répondons que s'il lui faut partir à la Martinique ou dans l'hexagone pour une discipline n'existant pas en Guadeloupe, cette question ne se pose plus. A l'heure des nouvelles technologies, tout est possible si il y a harmonisation et connexion des outils. Quand à l'accusation de "séparatisme", voire "micro-régionalisme", nous la mettons sur le compte de l'agacement de ceux qui ne supporte pas la contradiction. Nous voulons seulement que l'on tienne compte des dimensions sismologique, climatique, géographique et archipélagique de la Guadeloupe.
Rien ne peut être pensé comme en Ile-de-France ou en Ardèche, ce n'est pas de la spécificité, encore moins une vue de notre esprit, mais la réalité. Les modifications climatiques à venir auront des conséquences sur le territoire mais aussi, et certainement, sociale et sanitaire. Il faut, d'ors et déjà, se préparer dans un dispositif plus "tentaculaire" que centré afin d'y répondre efficacement. Demain appartient à nos enfants, pas aux extra-terrestres.
En conclusion, nous vous interpellons sur l'impérieuse nécessité de revoir le cadrage sanitaire de la Guadeloupe (et très certainement de la France entière) dans l'intérêt des patients, des professionnels et de la société en général.
Seul un nouveau projet de reprise en main de la santé, par les pouvoirs publics, saura faire entendre raison à l'escroquerie néolibérale qui cherche à saucissonner la santé en secteur de marché. L'actualité de cette semaine, quant qu'à la volonté de l'ARS de déclasser la Maternité du CHBT, est symptomatique de ce que l'on veut pour cette île mais qui n'a aucune prise avec la réalité de la population.
- Sur le statut du Centre Hospitalier Gérontologique :
Notre organisation s'est battu pour avoir une structure moderne et viable dans l'intérêt de nos ainés, si ce n'est peut-être pour nous même demain. Car nous pensons qu'il faille vraiment développer une véritable filière gériatrique. Dans une motion adressée au Conseil de surveillance de cet établissement, nous affirmons : " En effet, si l'urgence est dans l'élaboration de la convention constitutive du G.H.T. du territoire centre. S'il est évident que le C.H.U. soit l'établissement référent dans ce G.H.T., il n'est pas question que tant d'année de combats pour constituer une vraie filière de gériatrie en Guadeloupe autour du C.H.G.R. soit laminés, prenant le risque de préparer un phagocytage de notre établissement en acceptant une Direction commune.
Non que nous acceptions le G.H.T., qui est en lui-même un moyen sournois de fusion si nous ne sommes pas vigilants. Mais en élaborant la convention constitutive, il revient à toute la communauté hospitalière du C.H.G.R. d'être attentifs sur la création des G.C.S. et les orientations de la C.M.E. commune. Aussi, chaque établissement doit garder son autonomie et son identité.
La FSAS-CGTG interpelle le Conseil Départemental sur le fait, qu'historiquement, il est le premier dépositaire de ce projet en Guadeloupe. Ce projet vient de loin et tombe à propos quant on sait que dans une quarantaine d'année, nous aurons à faire face à une forte proportion de la population concernée par le vieillissement et ses pathologies annexes.
La FSAS-CGTG interpelle l'ARS sur la nécessité que la gériatrie soit considérée, au même titre que la psychiatrie et quelquefois en collaboration avec celle-ci, comme une vrai filière de santé à ne diluer dans la masse des autres prises en charge. L'expérience a démontré que les pathologies annexes au vieillissement ne peuvent être traitées ni au C.H.U., encore moins dans les divers EHPAD qui s'installent en Guadeloupe ". Considérant le rapport de l'IGAS (2012) sur les fusions et les autres expériences de Direction commune - conduisant à une fusion, nous avons une sainte méfiance des projets "mégapolaires".
Encore une fois, abolir la loi santé est source d'une remise à plat des la projection sanitaire et cette abolition est urgente.
Une loi sur le vieillissement a été votée en janvier 2016, elle a du mal à se concrétiser car elle ne répond pas aux défis du vieillissement. Elle induit en erreur les décideurs qui pensent pouvoir baliser la prise en charge de nos personnes âgées en liant aveuglement cette loi à la loi santé. Aussi, ceux qui ont en charge les personnes âgées sont dans une dynamique de faire exploser l'accompagnement à domicile tout en prétendant créer un filière gériatrique. Comment créer cette filière tout en démantelant une expérience de terrain de plus de trente ans qui répond, humainement, à la demande.
Voilà pourquoi, nous défendons l'idée d'une prise en charge totale des personnes âgées autour d'un Centre Hospitalier gériatrique et gérontologique fort et d'un réseau associatif en aval. Ce projet ne peut se faire dans la perspective qui est prévue actuellement en créant une Direction commune, porte ouverte vers la fusion et la fongibilité des financements.
- Sur la création d'un Etablissement Régional de santé mentale :
Alors même que l'ARS avait fini par constater l'urgence de reprendre en main la psychiatrie du C.H.U., en promouvant l'idée de la création d'Etablissement Public de Santé Mentale regroupant ce service et le Centre Hospitalier Spécialisé de Montéran, nous apprenons que le statut de Région monodépartementale de la Guadeloupe pose un problème juridique quant à la création de cet EPSM. Il semble que le mieux serait que le C.H.S. Montéran reprenne (ce qui était le cas il y a une décennie) simplement la main sur toute la psychiatrie en Guadeloupe sans création d'établissement nouveau. Nous réservons, pour l'heure, notre analyse sur le statut juridique mais nous convenons de la nécessité d'une prise en charge harmonisée sur toute la Guadeloupe. Mais, quelque soit le projet retenu, la question des moyens financiers et humains nécessaires reste posée. Pour nous, encore plus avec les conséquences de cette société néolibérale, la psychiatrie en Guadeloupe demande une approche particulière (et non l'application bête et irraisonnée du C.I.M.) et des moyens conséquents. La gestion "managériale" a des conséquences sur le quotidien des soignants et des patients :
- Une dégradation des conditions de travail, conséquence de la rigueur budgétaire, entraînant une dégradation continue des relations de travail, comme partout ailleurs.
- Une pénurie organisée des moyens des prises en charges des patients (sorties et actions socio-éducatives de moins en moins utilisés). L'effet immédiat est l'opposition entre usagers, parents d'usagers et professionnels.
- Le manque de soignants par la perte d'une centaine de postes de soignants et d'une dizaine de postes de P.H. (En dehors d'un manque inhérent à la gestion, il y a des démissions et retraites exponentiels depuis que Montéran se prend pour une grande entreprise du CAC 40).
- Des glissements de tâches dangereux augurant une volonté de déqualifier les métiers et de généraliser la polyvalence, un retour en arrière que l'on présente comme une nécessaire "modernisation".
- Des patients de plus en plus critiques (SDF, addictes) pris en charges difficilement voire à la vas-vite.
La psychiatrie en Guadeloupe doit être au service de la santé mentale de la population Guadeloupéene ! Cela passe par un vrai projet territorial de santé mentale qui tienne compte de :
- La réalité socioculturelle pour l'approche thérapeutique.
- La réalité sociale, se projetant sur le vieillissement de la population, y compris celle touchée par les pathologies mentales, ce qui sous-tend une gérontopsychiatrie à la hauteur.
- La réalité géographique en cas de redéfinition sectorielle et de révision des lieux de prises en charge dans la cité (hôpitaux de jour, centre médico-psychologique...).
- La réalité professionnelle (Ressource Humaine) pour la prise en compte des orientations de prise en charge, tant qualitative que quantitative. La question de la formation et du respect des qualifications s'impose.
- Sur le PPCR (parcours professionnels carrières et rémunérations) :
Tout comme nos camarades de la CGT, nous ne pouvons accepter cette réforme qui fait croire qu'elle veut garantir les acquis alors qu'elle consolide les reculs et le gel des salaires. il faut un véritable texte-cadre comme celui de 1986 qui redonne à la fonction publique toute sa dimension sociale, en donnant aux fonctionnaires la place qu'il doivent occuper dans une république sociale. Il faut valoriser ces fonctionnaires dans leurs fonctions et dans leurs salaires.
En résumé et en clair, la FSAS-CGTG se prononce :
- Contre le retour à l'équilibre fait sur le dos des travailleurs et le chantage à ce retour pour la nécessaire reconstruction d'un nouveau C.H.U. de la Guadeloupe. Les faits sont là, les conditions de prise en charge ne sont plus bonnes et les risques sismiques sont bel et bien présents. En outre, des professionnels du soin sont formés de manière optimum par les écoles. Enfin, les pathologies sont de plus en plus complexes. Il faut donc répondre à ces défis par une reconstruction sans conditions.
- Pour le transfèrement du C.H.G.R., à Palais-Royal, dans des conditions assurant une continuité de bonne prise en charge des ainés. Cela passe par la titularisation des contractuels qui n'ont pas démériter, selon la loi en vigueur, et la centralité de cet établissement dans la prise en charge globale des ainés. Nous refusons, en conséquence, toute direction commune avec le CHU qui risque d'aboutir à une fusion et à la disparition d'un projet gériatrique.
- Contre la Direction commune des hôpitaux de la Côte-Sous-Le-vent (C.H.L.D.B. et C.H.M.S.). Il faut que ces hôpitaux gardent leurs spécialités en les développant tout en coopérant mais en restant indépendants l'un de l'autre. La FSAS-CGTG rappelle qu'en cas de repli sanitaire, c'est la zone sismique la plus sûre selon les services de vulcanologie. Qui dit zone de repli, dit prévision d'équipements conséquents.
- Pour le maintien et le développement des activités au Centre Hospitalier Sainte-Marie de Marie-Galante. La perte de l'obstétrique, contrairement aux déclarations péremptoires, n'ont aucunement améliorer le sort des parturientes. Les hélicoptères sont toujours en difficulté pour répondre à l'instant T, ce qui contraint les parturientes à se rendre en Guadeloupe bien avant terme par précaution... Ce qui conduit à une situation pour le moins cocasse : on est Marie-Galantais mais on ne nait plus à Marie-Galante.
- Pour l'accompagnement financier nécessaire à un bon service public à Saint-Martin. Beaucoup aime à dire que l'ile a voulu son "autonomie" et qu'elle n'a donc besoin d'aucun soutien. La FSAS-CGTG s'inscrit en faux sur ce raccourci, cette île a besoin d'un Centre Hospitalier performant au vu de son activité économique principale.
- Pour le renforcement du personnel de l'Hôpital de Bruyn (Saint-Barthélémy), singulièrement au niveau de l'EPHAD qui a un manque cruel de professionnels. La conséquence de ce manque est l'épuisement des agents et l'incohérence des décisions.
- Pour l'innovation, le maintien et le développement des activités en cours au C.H.B.T. qui doit devenir un centre sanitaire de référence pour l'Ouest du territoire en parallèle du C.H.U. pour l'Est. Il faut renforcer le pôle cardiologie et maintenir la maternité au niveau 3 pour répondre aux besoins du bassin de population qui ne peut être qu'une notion de chiffre et de statistique.
- Pour la réorganisation de la psychiatrie en Guadeloupe mais avec les moyens nécessaires et un nouveau plan de santé mentale en adéquation avec cette nouvelle donne et les enjeux de demain.
- Pour la reconstruction d'une Maison de l'Enfance digne de ce nom afin d'assurer une prise ne charge correcte de nos enfants frappés par la précarité sociale, incidence de quarante années de non répartition de la richesse.
Pour ce faire, la FSAS-CGTG estime impératif d'une redéfinition de la politique sanitaire de par :
- Un véritable service public au service de la population Guadeloupéenne, Saint-Martinoise et de Saint-Barthélemy, sans discrimination aucune.
- Un changement de cadre législatif avec l'abandon des lois HPSCT et "Santé". Appliquer le G.H.T. en Guadeloupe c'est créer les conditions d'un déviationnisme permanent au CHU qui doit en être la tête de pont.
- L'abandon de la tarification à l'acte qui pénalise l'intervention publique en générant des "déficits" liés essentiellement à la traçabilité des actes médicaux. Tout dépend, désormais, du mercenariat du corps médical.
- La redéfinition d'un plan territoriale de santé publique avec une vision plus humaine que comptable et statistique.
2. La situation de la branche sociale et médico-sociale :
Nous nous inquiétons déjà de la volonté affichée des employeurs de dénoncer la convention collective 66. Cette convention qui, tout en évoluant, reste une référence de négociation de branche. En outre, le financement des accords d'entreprise est conditionné à la volonté des financeurs alors qu'il leur est opposable, c'est au nom des contraintes budgétaires que l'on estime devoir faire des choix contrevenant à la démocratie sociale (NAO...) que, par ailleurs, on met en exergue pour distribuer des bons points aux organisations syndicales qui acceptent le "dialogue social".
Nous souhaitons vous informer sur la situation des professionnels de C.R.H.S et d'autres du social, ne relevant pas de la Convention collective de 66, ne bénéficient pas des 20 % de vie chère, alors que leurs activités est l'une des plus dures du social. Vous n'êtes pas sans connaitre les "singularités" guadeloupéennes des problématiques relevant des C.H.R.S. En fait, tous les travailleurs du social méritent un salaire conséquent au vu de la charge de travail qu'ils sont et de la mission qu'ils ont face à la société.
La FSAS-CGTG constate et dénonce les dégâts de ce choix de société fondé sur le dogme néolibéral :
- Un taux de chômage sans cesse croissant et touchant singulièrement la jeunesse. La promesse du "plein emploi" est aujourd'hui subordonnée à l' "indispensable croissance économique". Et pour ce faire, il faut donner des gages sans fin à l' "Entreprenariat" sensé être les piliers (à leurs yeux) de l'économie. Mais plus on lâche du morceau, plus ils en veulent. Nous faisons face à un gouffre sans fin.
- Le développement d'un individualisme inquiétant et générateur de violences. La solidarité se perd au profit d'un "chacun pour soi" entrainant des comportements sociaux débordants, voire déviants. Les travailleurs sociaux sont dépassés et sans ligne directrice, faute de l'investissement publique nécessaire qui a abandonner l'action sociale au profit de l'action entrepreneuriale.
- Des mesures inefficaces sont prises pour plâtrer les échecs de ce choix de société. Le dernier en date est le bouclier des prix qui s'annonce être une tromperie pour les consommateurs, véritables moteurs de l'économie.
- Une dégradation des conditions de travail, conséquence de la rigueur budgétaire, entraînant une dégradation continue des relations de travail. Il est souvent reproché aux travailleurs de ne pas faire leur travail or, ce sont les moyens qui manquent le plus pour assurer les missions.
- Une pénurie organisée des moyens des prises en charges des et des usagers dans l'intervention sociale. Les drames qui surviennent dans les établissements médicosociaux en sont la conséquence directe. L'effet immédiat est l'opposition entre usagers, parents d'usagers et professionnels.
De même, les salariés travaillant dans les services à la personne (aides à domicile) sont difficilement rémunérés pour cause d'un coût de l'heure, fixé par l'ONDAM, qui ne correspond en rien au coût local. Sans compter les entourloupes de Présidents et Directeurs d'associations gestionnaires qui se comportent comme au CAC 40, la prétendue "économie solidaire et sociale" n'est qu'un masque pour imposer un esclavage sans les contraintes du statut juridique des sociétés.
Enfin, nous vous interpellons sur la décision de justice de la cour Européenne de Justice (Avril 2015), déclarant les travailleurs handicapés comme simple travailleurs. Quid de la protection de ce public ? Quid des conséquences d'une telle décision ?
En précarisant les professionnels du social, on assassine le social. Et le social en Guadeloupe a de ça en lui qu'il émerge d'une réalité bordée par la mer. Les problématiques sont multipliées par cette réalité contrainte. Tout comme la "mutualisation", la "modernisation" nous est avancée pour détricoter des conquis. Nous vous rappelons que le social et le médicosocial génèrent des métiers difficiles à seule fin de palier à la précarité sociale, psychique et autres.
Nous souhaitons que vous ayez une idée claire de la situation locale en vous apportant une version du fait sanitaire et social guadeloupéen que, peut-être, vous êtes loin d'en saisir les tenants et autres aboutissants. Nous voulons que vous sachiez que des femmes et des hommes s'engagent, quotidiennement, sur le terrain et ont plus qu'une "expertise" (Comme on aime à dire par les temps qui courent) mais une maitrise de ce terrain. Ils y travaillent, y vivent et espèrent laisser à leurs enfants un pays digne.
Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une cohérence aujourd'hui pour garantir une cohésion demain. L'abolition de la loi "Santé", tout comme celle de la loi "travail", et l'investissement public sont des conditions sine qua non à une reprise en main de la santé et du social tant en Guadeloupe que dans l'hexagone. Le caractère archipélagique de la Guadeloupe doit conduire à une vision politique volontariste fondée sur une analyse multifactorielle (Géographique, sismique, météorologique...).
Aussi, faut-il répondre aux problématiques sociales par la prévention et l'investissement social. Notre organisation syndicale se positionne pour une politique sociale et sanitaire cohérente qui tienne compte de notre réalité diverse et de l'évolution des problématiques.
Nous avons voulu vous faire part de notre analyse en espérant être entendus. Mais nous tenons à vous avertir que les problématiques citées plus haut sont loin d'être exhaustifs.
Cependant, nous espérons avoir compris, dans votre progressisme, la place supérieur de l'homme dans la société aboutissant à un projet social radicalement (au sens marxien du terme : revenir à la racine des choses) opposé aux expériences inhumaines dont nous sommes les victimes depuis près de quarante ans.
Dans l'attente et restant à votre disposition,
Je vous assure, Monsieur, Madame, de mes respectueuses salutations.
Le secrétaire général,
BELAIR Philippe