La Guadeloupe est une île à géométrie juridique variable selon que les intérêts de puissants profiteurs soient en jeu ou non et l'Etat, hormis la courte période historique de la première venue de Victor HUGUES - missionné par la révolution pour chasser les colons proches des Anglais, a toujours protégé ces profiteurs d'une façon ou d'une autre. Ainsi, alors même que le Chlordécone était déjà interdit chez son producteur (USA) dès les années 70, une dérogation était donnée aux profiteurs des Antilles pour écouler un stock sans fin dans les bananeraies Antillaises. Tout prouve qu'il s'agit bien d'un empoisonnement total d'une population entière mais voilà que l'Europe s'y met pour augmenter le taux de LMR (Limite Maximale de Résidus - seuil de "tolérance" de la quantité de ce poison dans l'alimentation locale), à qui profite le crime ?
Parallèlement, et paradoxalement pour une île dite aux belles eaux, le service publique des eaux date de plus de 40 ans avec un circuit principal de tuyauterie d'amiante. Pire, des coupures incessantes et des tours d'eau sont organisés alors que les constructions et la population ont augmentées. Aucune perspective politique dans les années antérieurs et rien de mieux pour les années à venir, les mauvaises langues disent que les responsables politiques avaient (ou ont encore) un robinet financier branché sur les multinationales qui gèrent la distribution de l'eau. A qui profite encore le crime ?
Le Chlordécone, cette embarrassante molécule pour l'Etat Français mais pas seulement...
Depuis bientôt quatre ans, aucune information n'est délivrée par les préfectures de Guadeloupe et de Martinique à propos de la pollution globale de l'environnement et de la contamination globale de ces deux populations par le chlordécone. Ce silence masque la poursuite d'un empoisonnement où sont impliqués l'Etat français et l'Union européenne. Après avoir consulté un cabinet d'avocats spécialisé dans le droit de l'environnement, l'association, EnVie-Santé, a décidé de former un recours en justice pour la modification des Limites Maximales de Résidus (LMR) chlordécone, sachant que celles-ci prévoient des tolérances très supérieures pour les végétaux issus de l'agriculture tropicale.
Par ce recours, l'objectif est clairement la mise en sécurité sanitaire des Guadeloupéens et des Martiniquais. Les enfants, particulièrement, en ont tellement besoin ! Le chlordécone est le toxique le plus répandu dans le corps des antillais. Il peut être détecté un peu partout : dans le sang, dans les graisses, dans le cerveau, dans le foie... mais aussi dans le sperme. Ce pesticide est notamment spermatotoxique. Parce qu'en Guadeloupe et en Martinique, le nombre de couples infertiles ou ayant des difficultés de procréation ne cesse de croître, en 2005 une Banque de sperme (via le CECOS du CHRU) a été implantée en Guadeloupe. Deux ans plus tard, en juin 2007, c'est un Centre caribéen de la médecine de la reproduction (CCMR) qui a été inauguré. Ce Centre a vocation à répondre aux demandes d'une clientèle Antillo-guyanaise mais aussi caribéenne.
Invité sur RFO Guadeloupe (La télévision d'Etat), le jour de l'inauguration du CCMR, le Professeur Eustase Janky -alors directeur du CCMR- signale l'existence d'une demande locale (d'assistance à la procréation) non satisfaite d'environ 300 couples par an, au bas mot. D'après lui, un tel niveau tenait à la mauvaise qualité du sperme des Guadeloupéens -confirmée à maintes reprises par des spermogrammes. Si, malgré tous les efforts pour une procréation assistée par le CCMR, la grossesse ne se produit pas du fait de la mauvaise qualité du sperme de son conjoint, la femme guadeloupéenne ou martiniquaise est ainsi invitée à se rendre à la banque de sperme pour se procurer les paillettes disponibles.
Du moins, c'est le parcours que lui propose l'Etat français. Que chacun se rappelle l'information donnée par l'INSERM (lors d'un cycle de conférences données pour l'anniversaire des 30 ans de l'INSERM) selon laquelle les enfants exposés au chlordécone dans le ventre de leur mère présentent (selon l'enquête TiMoun menée à l'âge de 7 mois) une baisse de QI pouvant aller de 10 à 20 points ! Cela signifie que de très nombreux centres d'assistance intellectuelle seront nécessaires aux enfants guadeloupéens.
En janvier 2013, les infirmières scolaires du sud Basse-Terre nous ont fait part de certaines de leurs observations. Celles-ci concernent la dégradation de l'état de santé physique et psychologique des enfants de 3 à 4 ans. Selon ce personnel de santé, depuis 2009/2010, ce qui est nouveau, c'est l'augmentation du nombre d'enfants pris en charge tant à la ville qu'à la campagne ainsi que la proportion d'enfants affectés de troubles du langage et de troubles psycho-comportementaux.
Désormais beaucoup d'enfants ont des profils autistiques. En tant que perturbateur endocrinien, le chlordécone est susceptible de provoquer des pubertés précoces. Une table ronde sur les perturbateurs endocriniens s'est tenue en octobre 2017 en Guadeloupe. Trois médecins y participaient. L'un d'eux, spécialisé en endocrinologie pédiatrique, a déclaré observer régulièrement dans son cabinet en Guadeloupe des pubertés très précoces chez des fillettes. Ces pubertés peuvent débuter dès l'âge de 3 ans ! Dès 3 ans donc, ces fillettes ont des poils qui apparaissent au pubis, des seins qui bourgeonnent, leurs règles qui se mettent en place et elles peuvent tomber enceintes...
L'approvisionnement alimentaire par des circuits informels entraîne une surexposition au chlordécone, cet insecticide persistant et bioaccumulable utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique et interdit seulement en 1993. C'est ce qui ressort de l'évaluation des risques sanitaires publié ce vendredi 15 décembre par l'Agence de sécurité sanitaire (Anses).
Cette dernière met en avant trois modes d'approvisionnement à risque. Il s'agit tout d'abord de la consommation issue d'une production domestique d'œufs et de volailles produits en zone contaminée. C'est aussi le cas de la consommation de racines et tubercules produits dans ces mêmes zones. C'est enfin le cas de la consommation de produits d'eau douce ou de produits de la mer pêchés par les particuliers ou issus de circuits informels.
Il peut y avoir surexposition, explique l'Anses, lorsque les populations ne respectent pas les recommandations de consommations visant à ne pas consommer plus de quatre fois par semaine des produits de la mer et de ne pas consommer de produits de pêche en eau douce. Elle préconise d'étendre ces recommandations à la consommation d'autres denrées issues de circuits informels telles que les œufs.
L'expertise de l'Agence montre part ailleurs que les limites maximales de résidus (LMR) pour différents aliments d'origine animale apparaissent protectrices dans le cadre d'un régime alimentaire suivant les recommandations de consommation. C'est-à-dire s'approvisionnant en circuits contrôlés : grandes et moyennes, surfaces, marchés, épiceries. Une réduction des LMR ne permettrait pas d'abaisser l'exposition aux résidus de pesticides, conclut l'Anses, qui estime donc plus pertinent de suivre les recommandations de consommation.
Kalaoukaéra... L'île aux belles eaux ?
Le nom amérindien de l'île lui sied si mal depuis des années. Alors même que la population tourne autour de 450.000 habitants (plus qu'en Corse sur un plus petit territoire), impossible d'être régulièrement servi en eau potable même dans les zones "productrices" sous les flans de la montagne. Qui l'eut crût en plein 21ème siècle :
- 7 collectivités ont en charge la gestion de cette eau,
- 85 % des 180.000 abonnées sont desservis par un fermier privé,
- 52 usines de production soit 170 000 m3 par jour pour 81 000 m3 consommés ( plus de 50% perdu dans le réseau de distribution vétuste non entretenu). En zone montagneuse, il y a 55 cours d'eau permanents et en zone calcaire c'est une vaste et encore mal connue ressource souterraine qui sont disponibles. A la suite de fortes précipitations, les débits des rivières peuvent passer de 1 m3/s à 300 ou 400 m3/s.
La population doit prévoir, souvent un budget en bouteilles d’eau et, pour les plus aisés, il faut penser à l'installation d'une citerne. C'est un nouveau marché juteux, alors qu'il ya une trentaine d'années, campagne officielle était faite pour convaincre cette population d'abandonner les citernes en dur de l'époque pour des raisons "sanitaires"...Comprenne qui pourra la schizophrénie systémique ! En 2009, lors du mouvement LKP, il avait été signé par tous de la création d'une structure unique de l'eau dans l'objectif d'une politique unique (investissements - orientations et tarifs) mais cela ne semble pas avoir convaincu, après coup, les politiciens qui se sont rétractés pour réapparaitre, depuis peu, avec une idée similaire qui ne fait toujours pas l'unanimité entre eux.
En dépit du nombre de mouvements de colère de la population, excédée, pour que les politiques s'attellent au travail et résolvent cette problématique, rien n'y fait... Les intérêts électoraux priment sur l'intérêt général. Depuis peu, tous les collectifs se sont mis ensemble au sein de "Eau - Secours", et ça commence à grouiller dans le microcosme politique locale car 2020 est à l'horizon. Cette question de l'eau est aussi a mettre en parallèle avec celle du Chlordécone car la majorité des réserves d'eau naturelles est située dans la même zone contaminée par le poison organochloré. Le phénomène de ruissellement (pas celui théorisé par les "économistes" néolibéraux) s'assure de la suite en ramenant à la population quelques particules suffisantes et en suspension dans l'eau de robinet.
Résumons-nous, un prix exorbitant et mal contrôlé à la consommation, un produit fini douteux (amiante et Chlordécone), un empoisonnement constant et officialisé, une volonté politique de laisser pourrir la situation à quelle fin ? A cela, il faut ajouter la destruction du service publique de transport traditionnel au profit des directives européennes qui ont du mal à s'intégrer dans le paysage insulaire et un chômage exponentiel - singulièrement de la jeunesse - couplé à une violence sociale et une addiction inquiétante. Les ingrédients sont là pour démontrer l'échec total du néolibéralisme qui prétends créer de la richesse en privatisant (et en vérolant les politiques) et libérer le sens des investissements.
Sans transition aucune (et tout compte fait si !), la volonté d'intégrer le narcotrafic dans le PIB est bien là pour démontrer que l'escroquerie de la croissance effrénée perd la raison... Si raison elle avait. Un seul investissement est désormais noble et salutaire : l'investissement social pour sauver le commun et l'humain. Mais, à l'instar de la planète entière, force est de constater que seul l'investissement financier (et surtout la rentabilité financière) sont d'actualité. Le capitalisme se débarrasse des populations par la guerre et l'empoisonnement quand elles lui deviennent dangereuse, sinon il s'en enrichit par la consommation et l'endettement quand elles lui sont serviles. Quant aux politiciens, loin d'être politiques, ils regardent s'évanouir la politique sous les coup de boutoir de leur vanité.
BELAIR Philippe
(Sources Chlordécone : Philippe Verdol, Président de l'association EnVie-Santé
P.S. CHLORDECONE : Pour financer en partie ce recours, nous avons inscrit EnVie-Santé sur une plateforme de financement participatif agréée : KisskissBankbank. Cette plateforme agréée est Immatriculée sous le numéro 14007218. Avec notre apport personnel (un peu plus de 8.000€), la somme que nous demandons (20€) nous permettra tout juste de payer les honoraires de l'avocat (y compris ses frais de déplacement en Guadeloupe, en France et en Europe, d'hébergement en pension complète, d'approche et de transport) ainsi que la commission (8,5% des sommes collectées) de KisskissBankbank. En cette année 2018, nous invitons chacun à faire un don (cadeau) pour la santé des générations actuelles et futures de Guadeloupéens et de Martiniquais. Voici le lien vers notre collecte : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/guadeloupe-et-martinique-une-surexposition-aux-pesticides-unique-au-monde.