Basse-Terre, le 20 Septembre 2017
A
LETTRE OUVERTE
Septembre 2018
Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République Française
55, rue Faubourg Saint-honoré
75 008 PARIS
Objet : Votre gestion des deux ouragans,
Votre politique sanitaire et sociale en France, en général, et en Guadeloupe, en particulier.
Monsieur le Président de la République ,
Notre organisation syndicale suit de près depuis quelques jours l'évolution de la gestion des événements cycloniques à Saint-Martin / Saint-Barthélemy puis en Guadeloupe et, plus généralement depuis tantôt, la dégradation du système sanitaire et social en France et en Guadeloupe.
Votre haute fonction politique vous attribue une responsabilité politique voire historique dans la dégradation de la situation mise en place par le système néolibéral. Et vous ne pouvez vous y soustraire sous l'allégation d'un héritage sommes toutes que vous avez voulu en vous présentant devant les électeurs. Vous êtes installé et de facto, vous êtes partie prenante de cet héritage - l'héritage néolibérale - idéologie dont vous vous revendiquez sans complexe et qui est la seule source de tous les tourments passés, depuis quatre décennies, et autres cyclones sociales à venir. Vous n'aimez pas la controverse, que vous qualifiez de polémique stérile pour appeler à l'union nationale, mais vous ne pourrez y échapper car c'est elle qui permet de diagnostiquer l'état démocratique d'une société et non les rendez-vous électoraux qui sont, souvent, soumis aux influences des moyens financiers. Quant à l'union nationale, elle se mérite au vu de l'engagement du politique dans l'intérêt du Peuple.
Par cette présente missive, et en organisation responsable et engagée dans la défense des intérêts moraux et matériels de nos mandants, par ailleurs citoyens et préposés à la bonne santé physique et psychique de la population, nous tenons à vous interpeller publiquement sur ce que nous considérons comme étant une grave dérive au nom d'une politique comptable et inhumaine dont les résultats n'ont jamais été démontrés rationnellement si ce n'est par de prétendus experts bien payés et hyper médiatisés. Bien au contraire, en dépit du bon sens et malgré les litanies médiatiques de ces "experts", tout vas mal ! Alors il est temps de cesser d'accuser les victimes en les traitant de fainéants - cyniques - extrêmes et de faire le vrai bilan de l'ouragan néolibéral.
Venons-en aux faits et précisons notre constat de la politique comptable en soulignant bien, là, la caractéristique mercantile que prend toute activité ou initiative sous le fallacieux prétexte que tout aurait un coût. Ce qui semble paradoxale dans ce constat est le fait que le prix humain soit balayé ou mis en spectacle seulement pour l'affairisme caritatif juste pour assurer non pas la reconstruction de l'humain mais la communication d'entreprise. Le "coût maitrisé" est votre centralité intellectuelle - véritable obsession - vous les défenseurs du néolibéralisme, pour vous attaquer aux conquis sociaux et à l'intérêt commun au profit de la paupérisation de la population et de l'individualisme criminogène... Vaste programme dirait un de vos illustres prédécesseurs.
La première illustration de nos propos est dans votre gestion du passage de l'ouragan IRMA à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. En amont, et c'est le cas depuis plus d'une décennie, il y a une hésitation à informer et mobiliser la population comme cela se faisait par le passé. Cette hésitation donne à penser que ce qui compte le plus c'est la vie des entreprises qui ne doivent perdre une once de journée de travail tout en mettant en danger des vies humaines qui se retrouvent, en pleine vigilance rouge, sur le chemin du retour à leur domicile sans avoir eu le temps de se préparer psychiquement et matériellement. Rien, et encore moins les fluctuations de trajectoires d'un phénomène dangereux, ne doit justifier cette impréparation par un pouvoir politique digne de ce nom.
En aval, heureusement que la solidarité caribéenne a répondu présente bien avant la France alors même que, tout dernièrement, vous poussiez la "communauté internationale" à destituer le gouvernement du Venezuela. Ce gouvernement "dictatoriale" ne vous a pas tenu rigueur et a fait, sans compter, ce qui est demandé aux politiques : Agir pour son peuple avec Humanité - le contraire étant la tyrannie. En dehors de la reconstruction, qui sera certainement le fait de multinationales qui sous-traiteront avec les petites entreprises locales (Dixit votre délégué interministériel à la reconstruction : "Le privé doit prendre la reconstruction en Main"), nous espérons que votre gouvernement - singulièrement le ministère de la santé, est bien informé de deux grands risques pouvant survenir individuellement et/ou collectivement : La propagation de pathologies infectieuses, à court-terme, et l'apparition de chocs post traumatiques à plus long-terme. Ni le masque des milliardaires mécènes de Saint-Barthélemy, ni le fard de la communication politique à Saint-Martin ne sont capables de juguler ces deux risques qui, malheureusement, concerneront les plus pauvres car les autres seront soignés en Cliniques huppées, l'hôpital public répondant de moins en moins à sa mission de service publique fautes de moyens.
La gestion de l'ouragan MARIA, certes moins puissant mais tout aussi dangereux, ne semble toujours pas vous avoir inspirer le principe de précaution que vous savez si bien utiliser à d'autres escients. Des travailleurs ne savaient toujours pas, le Dimanche 17 au matin, si ils devaient suspendre la présence de leurs chérubins dans les établissements scolaires alors que la trajectoire du cyclone était déjà quasi précise dès le samedi soir. Il a fallu attendre la mi-journée pour que cela soit plus ou moins claire au niveau du rectorat et le soir, au niveau de la Préfecture. Cet épisode est aussi valable pour l'activité économique où la Préfecture a estimé que la vigilance rouge devait être placée au lundi 18 midi. Quid des salariés en 12 heures dans des établissements de santé ou médicosociaux, le phénomène était prévu au moment de leur sortie. Soit ils restaient sur place jusqu'au lendemain sans avoir préparer leur maison, soit ils prenaient le risque d'affronter le monstre pour regagner leur domicile. Bien-entendu, pour des raisons de coût, les établissements bâclent les plans ORSEC et on a du mal à en connaitre l'organisation, ce sont souvent les planifiés du jour qui sont contraints par des cadres (formés au "management commercial") de s'épuiser au labeur par peur de perdre leur salaire, encore plus pour les contractuels de courte durée.
L'impréparation face aux phénomènes cycloniques n'est pas le fait d'un manque d'expérience, comme certains veulent faire croire, mais bien d'un choix de société qui ne laisse plus aucune place ni à l'humanité de notre espèce ni à l'assurance de sa survie. La réduction des effectifs et des moyens au centre de météorologie fait que les derniers mohicans, parce que passionnés par leur métier, s'acharnent à la besogne tant bien que mal mais sont en grande difficulté pour assurer une information juste et préventive aux 450.000 quidam, rien que pour la Guadeloupe. Maria a forci à la dernière minute et si, comme c'était le cas par le passé, une véritable politique de prévention était mise place, les employés de la Clinique de Choisy, pour ne citer que cet exemple, ne se seraient pas retrouvés à flotter sur une mare géante. Quant aux malheureux dialysés du lendemain, nous vous laissons deviner leur angoisses.
Le véritable problème est l'attentisme anxiogène dans lequel les autorités nous maintiennent sous prétexte de s'assurer de la trajectoire du phénomène, le choix est délibérément fait pour que les entreprises privées perdent le moins de journées possibles. Le pire est dans la période de retour à la normale où beaucoup de salariés subissent la pressions de leurs patrons pour être présents à leur postes alors que nous sommes encore en vigilance rouge cyclonique. Il nous faut revenir sur les confusions colorimétriques imposées par les nouvelles alertes, tantôt cycloniques, tantôt pluvieuses, tantôt mer forte (et pourquoi pas "tremblement de terre"). Rien n'est plus claire pour plus d'un mais chaque fois qu'un ouragan approche de nos côtes, c'est la pagaille. En Guadeloupe, après le passage d'IRMA, à six heures du matin nous étions en alerte Rouge Pluie, sans passer par les cases orange cyclone et Vert cyclone, ce qui a créé le trouble dans la population qui a intégré que le rouge signifie le confinement chez soi, beaucoup de travailleurs avaient peine à savoir s'il devaient se rendre ou non à leur poste.
De même que pour MARIA, la trajectoire effective faisait passé l'ouragan entre la Guadeloupe et la Martinique, certes plus proche de la Guadeloupe, mais cette dernière était en vigilance orange cyclone et la Martinique était en orange fortes pluie alors que les deux iles devaient être touchées par le même phénomène même à des degrés différents. Finalement, c'est la Guadeloupe qui était franchement touchée. N'eut-il pas été plus judicieux de bloquer un espace-temps de 48 heurs avant l'arrivée ou pas du cyclone pour les deux îles ? Deux explications sont plausibles, séparément ou simultanément :
- Le néolibéralisme garantie ses journées aux entreprises en fonction de la localisation de l'œil du cyclone, ce qui est un crime.
- Le néolibéralisme ne contrôle plus ces alertes de couleurs à l'instar de ces pseudos révolutions de couleurs qui ont du mal, désormais, à émerger face à la réapparition de la multipolarité du monde, ce qui est un espoir.
Aux dernières nouvelles, un décret "catastrophe naturelle" a été signé hier mais discrimine une partie du sud de la Guadeloupe, pourtant très touchée par la force du vent, il est fort à parier que c'est sous la pression des compagnies d'assurance qui préfèrent investir leurs fonds (nos contrats) plutôt que d'injecter une part minime de ce "trésor" dans l'économie tout en rendant aux assurés ce qu'il leur revient de droit.
Le système néolibéral, avec ces dérégulations, autorise l'installation de panneaux d'affichage sur tous les bords de routes. Ces panneaux sont de véritables armes de destructions massives sous la puissance des vents à 300 km/heure. Parallèlement, on impose des normes parasismiques et para-cycloniques tout en autorisant des constructions de charpentes type fermettes américaines. Ce ne sont, là, que deux exemples de l'incohérence des décisions politiques qui sont, en fait, cohérentes pour l'idéologie néolibérale que vous défendez. Deux autres exemples sont la privatisation d'entreprises stratégiques et la suppression de postes de fonctionnaires. Il fut une époque où les lignes téléphoniques et électriques faisaient l'objet d'entretiens préalables réguliers (élagage, vérifications techniques...), or de nos jours et après un cyclone il faut attendre une semaine ou plus pour que soient pallier les effets de ce dernier. Heureusement que la population se prend en charge en commençant à déblayer tout en prenant des risques... Il faut bien que des soignants à domicile aillent soigner dans les recoins de l'île - "lits-debout" obligent - et que les aides à domicile aillent s'occuper de nos aïeux qui sont souvent seuls chez eux lors des cyclones - les places en institutions étant inabordables, marchandisation de la santé oblige. Quant à l'abandon total de l'analogie, il a mis en difficulté tous les services publiques, particulièrement de santé, encore un choix néolibéral de réduction des moyens divers sans penser aux conséquences. En pareille circonstance, cette ancienne technologie est de meilleur aloi.
Contrairement à vos propos sur les médias, il y a déjà eu plusieurs cyclones de catégorie 5, donc nous avons déjà vu ça, mais ils sont de plus en plus nombreux "grâce" aux dérèglements climatiques qui est la conséquence du toujours plus pour gagner plus d'argent. Un protocole a été signé à Paris, en 2015 avec les larmes douteuses du représentant de la France, mais semble ne devoir s'appliquer qu'aux pays dits émergeants. Pour preuve, rien qu'en Guadeloupe (jusqu'à nouvel ordre, la France), dans trois à quatre décennies environ, il est prévu une perte sérieuse de surfaces par la montée des eaux. Il se trouve qu'aucune préparation à ce grand défi n'est d'actualité, pire, l'on construit à tire larigot exactement sur ces surfaces submersibles et pas des moindres : le futur CHU de la Guadeloupe et l'ensemble des grandes administrations y ont trouvé une place de choix. Ce CHU, de surcroît, bénéficiera d'une architecture qui laisse beaucoup de volume vitré à la merci des ouragans. C'est à se demander si la reconstruction n'est que la prothèse de la construction. Il parait, pourtant, que diriger serait prévoir. Ce CHU, dans le cadre du dispositif des G.H.T., est amené a être une usine à gaz, selon vos plans, en phagocytant les autres hôpitaux de la Guadeloupe et peut-être même en l'étant par celui de Fort-de-France, c'est la logique néolibérale que de n'avoir que des structures concentrationnaires et maitrisables par ses soins.
Tous les efforts fournis pour rapprocher le soin vers les patients sur une ile archipélagique avec risques naturels majeurs, sont devenus vains au nom de la règle comptable. Nous disions déjà, en nous adressant, le 24 Février 2016, à Mme TOURAINE - ancienne Ministre de la santé - " Rien ne peut être pensé comme en Ile-de-France, ce n'est pas de la spécificité, encore moins une vue de notre esprit, mais la réalité. Les modifications climatiques à venir auront des conséquences sur le territoire mais aussi, et certainement, sociale et sanitaire. Il faut, d'ors et déjà, se préparer dans un dispositif plus "tentaculaire" que centré afin d'y répondre efficacement. Demain appartient à nos enfants, pas aux extra-terrestres ". Et pourtant, les événements ne suggèrent aucun fléchissement de votre part : Les G.H.T. seront mis en place, vaille que vaille.
Les G.H.T. sont une hérésie organisationnelle dans notre contexte à risque, tout comme dans toute la France d'ailleurs. Le seul but des groupements hospitaliers de territoire est d'engranger les fusions d'hôpitaux pour réduire les "dépenses". Mais les faits sont têtus, la santé et le social sont des investissements politiques et les considérer autrement c'est nous conduire vers le chaos. D'autre part, il a déjà été démontré que c'est l'investissement publique qui propulse l'économie, la rigueur est une volonté délibérée de faire croire le contraire. Des milliards sont jetés dans des guerres futiles qui n'ont pour seuls objectifs que l'impératif entrepreneurial de gros investisseurs, sommes toutes utiles aux élections, au grand dam du financement d'un service publique digne d'une société humaine. La richesse nationale est mal répartie et l'endettement de l'Etat est injustifié, voilà la vraie raison de nos difficultés et vous ne pouvez ne pas le savoir.
Des lois diverses sont votées pour "réformer" la France mettant en grande difficultés les travailleurs, singulièrement les professionnels du Social, du Médicosocial et de la santé, sensés s'occuper de personnes en difficultés. Cela créé un contexte anxiogène renforcé par vos ordonnances à venir donnant plein pouvoir au patronat pour casser toute résistance à l'idéologie prétendument "indépassable" qu'est le néolibéralisme. Nous vous l'avons dit plus haut, rien ne justifie cette politique comptable si ce ne sont deux objectifs que vous avez sciemment choisi d' assister : notre servitude par l'endettement et l'enrichissement d'une minorité de possédants, devenus les véritables pouvoirs politiques contemporains. Comment comptez-vous appliquer vos ordonnances dans le contexte Saint-martinois et Guadeloupéens, problématiques de par le système postcolonial en place et rasés par dame nature que le néolibéralisme détruit au nom d'une croissance infinie ?
En tout état de cause, notre organisation syndicale se fera fort, comme elle l'a déjà fait, de mettre à nu et de combattre, aux côtés de ses alliés, toutes les attaques contre les travailleurs et plus particulièrement les travailleurs de la santé et du social. Certains, dans votre camp, aiment à dire que le syndicalisme ne peut se mêler à la politique mais nous sommes de ceux qui savent que l'un et l'autre sont historiquement et intimement liés. Vous préférez reculer sur l'interdiction du Glyphosate plutôt que sur vos ordonnances, il est vrai que le premier produira de la clientèle à la marchandisation forcée de la santé tout en s'assurer de la bonne santé d'une grosse multinationale. L'ineptie de la croissance économique sans fin pousse à la déraison les possédants et leurs serviteurs politiques mais la légitimé des opprimés devient alors supérieur à la légalité des oppresseurs comme en 1802, en Guadeloupe, contre le rétablissement de l'esclavage - l'infâme matrice du capitalisme - qui finit par se soumettre à la résistance des esclaves quelques années plus-tard. La démocratie et la République (chose publique) n'ont jamais été le fait du bon vouloir des possédants mais de la lutte des fainéants - cyniques et autres extrêmes comme vous aimez à nous qualifier. Retrousser vos manches à Saint-Martin devant les caméras ou signer vos ordonnances solennellement devant les mêmes, ne sauraient nous convaincre du contraire.
Dans l'attente d'un nouvel ordre social victorieux,
Nous vous assurons, Monsieur le Président, de nos salutations plus que déterminées.
Le secrétaire général
BELAIR Philippe