Face à la pandémie, nous sommes pour la solidarité et l'union telle qu'elle se manifeste par exemple auprès des personnels soignants pour qu'ils tiennent et pour les remercier. C'est une solidarité et une union qui naissent des profondeurs du peuple. Mais qui ne peut faire l'impasse sur les responsabilités des politiques et du système qui nous ont conduits au chaos présent et promouvoir une union trompeuse.
Le gouvernement, mis en difficulté par la mise en lumière progressive mais implacable de ses errements, de ses mensonges et de son rôle de syndic des intérêts du grand capital, ne cesse d'en appeler à l'union nationale contre la pandémie.
Fort opportunément, les confédérations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et les organisations patronales (MEDEF, CPME, U2P) ont pondu le 19 mars une déclaration commune pour rappeler « le rôle essentiel du dialogue social et de la négociation collective » sans dire un mot de la nécessité d’arrêter le travail dans les secteurs non essentiels qui met en danger la vie des salariés qui y travaillent.
Il s'agissait de la déclinaison nationale de la déclaration commune des organisations patronales européennes et la Confédération Européenne des Syndicats (présidée par le secrétaire général de la CFDT) soutenant l'ensemble des mesures de la Commission de Bruxelles et de la BCE (c’est-à-dire des mesures financières tandis que les aides médicales viennent de Chine, de Cuba ou du Venezuela…) et invitant les États membres à "associer les partenaires sociaux nationaux à la conception et à la mise en œuvre des mesures nationales".
Ces odes au dialogue social sont à mettre en perspective de la manière dont, depuis plusieurs années, le grand patronat (y compris l’État employeur) est dans une attitude de mépris dudit « dialogue social » et s'appuie en confiance sur les institutions dites démocratiques de l’État Français qui enchaîne loi sur loi, décret sur décret, 49.3 sur 49.3, pour détruire les acquis sociaux et garantir la maximisation de la rente du capital dans le plus grand respect de la feuille de route de l'Union Européenne totalitaire.
Par temps de crise aiguë, une fois de plus le patronat fait le dos rond, sachant pertinemment qu'il peut continuer à compter sur ses sbires qui dirigent l’État Français pour son compte. Celui-ci dégaine des milliards d'euros pour les banques et les entreprises, contraint les salariés à aller travailler et au besoin, il est même prêt à des renationalisation comme pour Air France mais dans la démarche bien connue des managers de l’État : privatiser les profits, socialiser temporairement les pertes (cf. le projet de privatisation d'ADP qui est lui aussi mis à mal, non pas par le référendum, mais par les circonstances).
Les engagements du grand patronat et de l’État, fusionnés dans un mécanisme unique du grand capital ne sont que des éléments de langage circonstanciels. Irréductiblement menteurs par la nature même de leurs intérêts capitalistiques, comment et pourquoi devrait-on aujourd'hui, plus qu'hier, leur accorder une quelconque confiance ?
Sauf à vouloir coûte que coûte sauver l'ordre social et politique en putréfaction par lequel les travailleurs Français et du monde entier (cf. Déclaration de la FSM) sont chaque jour un peu plus exploités par les détenteurs de la propriété lucrative des grands moyens de production, pour garantir la maximisation de la rente du capital dans un contexte de baisse tendancielle accélérée du taux de profit et d'éclatement des bulles financières.
Il est nécessaire d'alerter tous les travailleurs et de les appeler à entrer en résistance. Comme Naomi KLEIN l'a expliqué dans son ouvrage La stratégie du choc, les classes dirigeantes utilisent et utiliseront la crise sanitaire comme d'un un puissant levier pour conforter leurs intérêts particuliers contre l'intérêt général, pour asseoir un peu plus leur pouvoir sur les masses laborieuses... ainsi que le donnent à voir les basses manœuvres du gouvernement hier devant le Sénat à propos du projet de loi « urgence coronavirus », qui revient sur les droits à congés, les 35 heures... sans date limite !
Elles n’auront que ce moyen pour faire face à la crise économique qui a déjà débuté et qui aboutira à une pression accrue sur les peuples et à une concentration massive des capitaux entre des mains toujours moins nombreuses, finissant de mener l’humanité et la planète au bord du gouffre.
Mais cette crise sanitaire et économique pourrait en même temps être un levier pour accélérer la transition vers un autre monde. A condition que les travailleurs et leurs organisations dénoncent, à travers leurs réflexions et leurs actions, le système capitaliste mortifère et entièrement régressif pour les humains comme pour la nature. Cela passe aujourd'hui inévitablement par une sortie de toutes les instances fatales pour le salariat, à commencer par la Confédération Européenne des Syndicats aux ordres de l'UE et du capital.
Oui, si l'on veut un avenir, il faut en finir avec Macron et son gouvernement, il faut en finir avec l'UE, il faut en finir avec le capitalisme, et cela suppose que les forces syndicales s'engagent résolument dans la voie du changement de pouvoir et de société, dans la lutte de classe menée jusqu'au bout pour le progrès social, la paix et la démocratie.
Front Syndical de Classe, 25 mars 2020